vendredi 19 février 2016

La Terre est bleue comme un keuf

"À L'Orage" - Nouveau morceau de La Dernière Mesure (1/3)


Les chiens bleus, boulevard occupé par la sûreté
Rues quadrillées par les Compagnies Réactionnaire
De Sécurité qui se les accaparent
Vis-tu dans un monde libre ou dans un pays occupé?
Cars remplis de manifestants arrêtés
Les grenades assassines sont déjà dégoupillées
Et ce n'est pas un hasard, toutes leurs forces sont de sortie
Mais sous les plaques d'égouts, les nôtres sont prêtes aussi
La Terre est bleue comme un keuf, tuméfiée comme après
Un coup de tonfa d'un fonctionnaire zélé
Les humains piétinés par les bottes des gardiens
De l'ordre inhumain établi par quelques-uns
La colère conseillère, plus aujourd’hui qu’hier
J’adhère et me joins aux flammes qui s’embrasent sur le boulevard
Derrière une barricade noire de caisses calcinées
Foulard noir sur le flair et paire de lunettes de plongée

La ville peut bien brûler, le temps est à l'orage
Plus question de reculer, le peuple dans les rues enrage
Et les flics courent affolés dans les rues en ébullition
Les plus passionnés d'entre nous parlent déjà de révolution

Instaure l’état d’urgence, on utilisera les largesses
De votre défense et vous rendra la politesse
Du même niveau de bassesse, si on pénètre chez vous
On saura se montrer efficace, il ne restera rien du tout
À lécher dans vos vitrines, les week-ends shopping, fringues
La raïa de types en haillons est devenue complètement dingue
Oui les gamins ont grandi, ensemble sur les pavés
Près de la misère sociale et loin de la rue des marchés
Les véhicules blindés, un cadeau de l’état
Se dressent en face de nous mais on s’attendait à ça
Et les arrière-salles s’ouvrent dans les pubs, les laboratoires
Si tu savais ce qu’on a en stock, tu crierais pas victoire
Dehors, le soleil se lève sur des cendres fumantes
De carcasses de caisses, de barricades brûlantes
Odeurs de fumées, de gasoil, de gaz lacrymogène
La nuit fut encore blanche et son issue incertaine
Quand la garde républicaine fait son entrée en jeu
En vain, rien ne saurait faire respecter le couvre-feu
Et les tirs des CRS filent comme des balles traçantes
Quelques fumigènes répondent aux grenades assourdissantes
Fendent le ciel gonflé d’un gris toxique
Le quartier est un champ de bataille mais n’appartient pas aux flics
Feu nourri dans la fournaise, la tension ne faiblit pas
Et fait naître la confusion chez ceux qui gagnent à chaque fois


samedi 6 février 2016

Série B

"Docteur Rimbaud" - 2016 solo Manu en face B


Docteur Rimbaud est au centre des névroses
Dans la cité numérique, ses milliards de métamorphoses
Il consulte, met les doigts sur les points névralgiques
Et rêve à une logique quand on lui dit qu'il n'y en a pas

Pourtant, il sent toujours venir les choses et
Sait débloquer les pensées même les plus ankylosées
Nul hasard dans la cité où tout se calcule
Il s'isole ou marche des heures quand il a besoin de prendre du recul

Le col en vrac, Arthur n'est pas psychiatre
Ni poète, juste un peu, solitaire et acariâtre
Un docteur des humeurs des zonards
qui ne consulte que la nuit tard, entre deux Johnnie Walker

Dans un éclairage tamisé, la baie vitrée
Donne sur le demi-sommeil d'une ville qui ne dort jamais
Les gens vont leur chemin, chantres du non-changement
Si les réacs n'étaient pas là, où en serions-nous maintenant?

Plus loin sûrement, finalement rien n'est moderne
Malgré ce qu'on prétend, nous sommes à peine sortis de la caverne
Le vide, le vent, gouverne, n'amène aucune réponse
Et on alterne entre les caresses des roses et des ronces

Les railleries vont bon train envers tout ce qui sort
De l'ordinaire et tend à pulvériser le décor
A réduire en poussière en quelques actions seulement
Le fonctionnement de la machine parfaite qu'on nous vend

C'est ce que nous voulons, rester aveugle, un mensonge confortable
Des heures entières, un docteur blasé remet le sujet sur la table
Instable, comme tous, aucun de ses patients n'est sain
Celui qui l'est ne peut plus être sauvé, c'est certain

Le ciment n'est pas le problème, le désert ne l'est pas non plus
Et contrairement à ce qu'on disait, il en est revenu
En désordre, anonyme, juste pour duper une nouvelle fois
Les écoles de l'art, de la science et de la foi

Figure-toi, qu'on en a fait tant de contes de fées
Il était juste en train de fumer, enfoncé dans son canapé
Flingué, fiévreux, à refaire le monde et sa vie
Mort de fatigue, à trente ans et quelques nuits

Aujourd'hui, cent ans plus tard, l'orgie est quotidienne
Les rupins se pavanent et paradent de la Vence à la Vienne
La Commune, écrasée, ne revit que les jours d'émeutes
Alors journalistes et écrivains nous tombent dessus en meute

Appellent à ce qu'on nous mate, comme à l'époque
Hier, j'ai vu une haie d'honneur accueillir les kolboks
La BAC et leurs potes sont devenus des héros
J'ai pris un cent-quatorzième rendez-vous chez le docteur Rimbaud

Alors dans le chant des sirènes, sans ménagement
Il répand tout ce qu'il sait et des fois je le comprends
Moi aussi, fut un temps, j'ai longé la Mer du Nord
Et traversé des déserts entre le crépuscule et l'aurore

A maudire le monde entier, en solitaire
les doigts gelés ou le visage buriné par l'astre solaire
C'était y a des paires d'années, loin de la ville
Vivre aujourd'hui m'est devenu plus facile

The Time is Stretching